Riton – Interview avec Stan Hotbridges

 

Riton 

Ce n’est pas qu’il soit vraiment méchant, juste un peu grognon, et aussi des fois un peu grossier.
Pas vraiment l’image qu’on a d’un doudou.
D’ailleurs, faut surtout pas lui dire que c’est un doudou, il pourrait devenir violent !

 

Parution le 10 septembre 2018
ISBN :978-3-95858-202-6
e-ISBN : 978-3-95858-203-3

Envie de le lire ? Rendez-vous sur la boutique en ligne

 

Bonjour Stan,

Nous avons eu le plaisir de te rencontrer avec l’album jeunesse Mon papa est gendarme dont tu as réalisé les illustrations. Tu changes ici de registre et mets ton humour au service de Nats Editions. Pour ceux qui ne te connaitraient pas encore, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Bonjour Nats Editions ! Alors, en fait, je ne change pas vraiment de registre avec Riton. Disons plutôt que j’ai changé pour Mon papa est gendarme. L’illustration jeunesse, même si j’y avais pensé avant, n’est pas mon domaine de prédilection. Ceci dit, j’y ai pris un très grand plaisir, et je pense qu’il a contribué à faire évoluer ma technique. Non, mon domaine, c’est plus la satire sociale, le dessin de presse engagé, le coup de gueule et l’encre noire. J’ai appris à dessiner quand j’étais môme, en décalquant mes héros de bd, en copiant Janry, Gazotty, Reiser, Edika pour ne citer qu’eux. Comme beaucoup, j’ai tenté les jeunes talents à Angoulême, mais sans résultat. Et puis un jour, sous la colère, j’ai tout brûlé. Ce n’est qu’après une très longue période que j’ai repris le dessin. C’est au moment des manifestations des policiers en colère d’octobre 2016, que j’ai (re)commencé à dessiner. Avec l’appui des réseaux sociaux, je me suis aperçu que mes dessins parlaient aux gens. J’ai créé ma page sur Facebook et j’ai commencé à travailler avec l’association MPC (Mobilisation des policiers en colère) ce qui m’a poussé à devenir réactif et efficace. C’est au travers de différents groupes comme celui-ci que j’ai commencé à me faire connaître. Et c’est aussi grâce à eux que j’ai rencontré Ernestine du Colibri, puis Nats éditions, un an après.

Riton sera ta première BD humour chez Nats Editions. Comment t’es venu l’idée de créer ce doudou… Pardon, je veux dire, de travailler avec Riton ? 😀  

Tu fais bien de rectifier tes propos, il ne supporte pas ça! 🙂 Effectivement, Riton s’est imposé à moi. Ce n’est pas moi qui suis venu le chercher, curieusement et tout aussi schizophrénique soit-il. Tu planches des heures sur ton coin de table à chercher un personnage, à lui inventer des traits, une vie, un univers… et rien, si ce n’est du déjà vu, des ratures, et des impasses. Lui, il est arrivé comme ça. C’était dans la nuit du 30 juillet 2017. J’avais déjà un personnage récurrent, mais qui représentait l’association pour laquelle je bosse, et je voulais quelque chose de nouveau. Sa tête est apparue sur le papier, comme une évidence, et son caractère avec. Au départ, j’ai hésité avant de le sortir. Il était un peu trash comparé à ce que j’avais l’habitude de faire. Et puis mon doigt a glissé sur le bouton « publier » de ma page FB, et voilà. Comme j’avais plusieurs planches sous la main, j’ai publié un peu tous les jours, et j’ai pu constater son succès sur la toile. J’ai fait l’album sans m’en rendre compte en l’espace de deux ou trois mois. Puis je suis passé à autre chose, comme souvent, Ernestine a dû prendre contact avec moi pendant cette période, et j’ai dû le mettre de côté. Enfin pas tout à fait puisqu’à  bien y regarder, il s’est tapé l’incruste dans Mon papa est gendarme, en devenant le doudou de Marie. Je crois qu’il avait déjà très envie d’être publié et de prendre vie. Il m’a dit un truc du genre : « Tu vas voir, on va faire un genre de message subliminal, les gens vont me voir et après on tente le solo »… C’est ce qu’on a fait. Je crois qu’Ernestine a eu un peu peur quand je lui en ai parlé, mais Riton lui a assuré qu’il se tiendrait bien. Je l’ai proposé à Nat après le bouclage et, à ma grande surprise, il a été adopté. Je me suis donc remis au travail pour terminer l’album, et j’ai découvert d’autres facettes de lui. J’ai su qu’il était devenu quelqu’un le jour où les gens parlaient de lui comme s’il existait. Dernièrement, une personne m’a fait part qu’il lui manquait. Là, j’ai compris, je crois, qu’il avait plus d’importance que moi, et c’est ce qui m’a touché. D’autres n’aiment pas du tout. Moi ça m’énerve, lui il s’en fout. On peut s’arrêter au premier abord avec lui. Il fume, boit, dit des grossièretés, point. Mais Riton, tout comme quelqu’un de réel, même si ça me gêne de devoir le préciser, possède plusieurs couches dans sa personnalité. En regardant simplement le trait du dessin depuis un an, on peut s’apercevoir de son évolution, de ce qu’il délivre, son côté bourru et sa tendresse. C’est pas pour rien que le gosse l’aime autant, malgré toutes les crasses qu’il peut lui faire. Riton, c’est mon pote à moi, il me fait rire, mes enfants l’adorent, il a trouvé sa place chez nous, j’espère qu’il la trouvera aussi chez le lecteur.

Comment prépares-tu un album ? Ce sont les situations ou les illustrations qui te viennent en premier ?

En fait, je ne sais pas trop. Je peux très bien être en repas de famille, les gens me parlent, mais je ne suis plus là. Ma femme me le dit très souvent. Depuis que j’ai repris le dessin, tout est source d’inspiration. Un mot, une image, une chanson, une situation, même une bride de situation, une blague que me raconte mon fils, et mon esprit s’envole. Je plonge littéralement dans mes pensées, et mon cerveau fulmine d’image, de plans, de cadres, de postures, de couleurs, je cherche la mise en page, le positionnement de mes personnages, le texte vient généralement plus tard. Puis je deviens impatient. Dès que la photographie s’est faite dans ma tête, il faut que je la couche sur le papier. C’est maladif. Si je n’ai pas papier/crayon sous la main, ça en devient angoissant. La peur de perdre l’idée, et de perdre du temps à la retrouver après. Voire qu’elle tombe aux oubliettes, tout simplement. Il m’arrive de devoir m’arrêter si je suis en voiture, ou de dicter à la personne qui m’accompagne ce que j’ai en tête, ou encore de me relever la nuit pour le dessiner. Tant que le dessin n’est pas fait, je ne pense plus qu’à ça. C’est obsessionnel. La pression ne retombe qu’une fois l’image sur le papier. Alors, comme je ne suis pas très conventionnel, même si j’aimerais et je réfléchis à un album « classique » avec une seule et même histoire à l’intérieur, le fait de faire plusieurs petites histoires plus ou moins courtes font que je ne suis pas obsédé par la fin. C’est vraiment ça le plus dur chez moi, c’est d’en voir le bout, et vite. Je veux pouvoir l’avoir dans les mains, le regarder longuement, et débusquer les moindres détails qui moi, me dérangent, et que je corrige au fur et à mesure de mes dessins. Je suis très bordélique. Mon bureau, qui est censé me servir de lieu de travail, n’est en fait qu’un lieu de stockage. J’en ai partout, dessus, dessous, des feuilles volantes, des cartons, des notes, des croquis… je m’éparpille. Mais je sais où j’en suis. De temps en temps, je fais le point, je reprends le projet dans son ensemble, j’étale les dessins par terre pour mieux me rendre compte, et je reprends. L’album se fait au gré de mes humeurs, du temps que j’ai et de mes inspirations. Rien n’est écrit, je n’ai pas de méthodes de travail académiques. Une idée arrive et je la suis.

L’actualité occupe une grande place dans les dessins satiriques / caricatures que tu postes sur les réseaux. T’a-t-elle inspiré ici ?

Oui et non. Dans cet album, j’ai volontairement retiré tout ce qui avait attrait à la politique. Je voulais centrer cet album sur la complicité des deux personnages. C’est l’histoire de Riton en sa qualité de compagnon, et non de réflexions sur l’actualité. Ça m’a aussi permis de faire le tri avec les planches les plus trash. Bien sûr, j’en ai conservé, celle qui me faisait le plus rire, et qui parleraient au plus grand nombre. Mon travail sur les réseaux est différent. Je ne mêle plus Riton à ça. Disons même que j’ai choisi de le préserver avant sa sortie pour lui donner sa chance. Et puis, entre nous, l’actualité se suffit à elle-même, il n’a même plus besoin d’intervenir puisque les hommes politiques que je caricature se suffisent à eux-mêmes. Je les en remercie beaucoup, d’ailleurs, parce qu’ils écrivent les textes à ma place. Je ferai peut-être un album politique qui regroupera tous ces dessins, un genre de récap de l’année comme le font Cabu et les autres qui travaillent pour la presse. C’est toujours un plaisir que de redécouvrir une époque à travers les dessins d’un caricaturiste.

Après, Riton s’inspire de la vie en générale. Donc forcément, on peut y retrouver quelques pistes dans certaines histoires. Mais je me suis plus inspiré de mon cercle familial .

L’humour est un terrain délicat. En particulier l’humour noir, que tu manies souvent. Ne t’es-tu jamais censuré, par peur des reproches ?

La censure…

Je déteste la censure. Je ne me censure pas. Pas directement. Ça a dû m’arriver une ou deux fois. J’essaie de conserver une ligne humoristique en rapport avec mes convictions. Je ne veux pas regretter un dessin un fois publié. Si, j’ai souvenir d’un dessin que j’avais fait pour dénoncer un attentat, je ne sais plus lequel, et sur celui-ci on pouvait voir un terroriste couteau à la main avec la tête de sa victime. Le lendemain, j’ai appris que c’est ce qu’il s’était passé. J’ai pensé à la famille, et j’ai trouvé mon dessin nul. Je l’ai retiré. Pour autant, je ne supporte pas l’idée d’être censuré, et je suis (très) susceptible sur ce domaine. Lorsque je travaille sur un projet et que j’ai un retour négatif, de l’interprétation qu’il peut susciter chez tel ou tel personne, ça me dérange. Je pars du principe que, dès lors que tu te mets à penser aux humeurs des uns ou des autres, tu ne fais plus rien. Or, le dessin satirique est fait pour piquer, dans un premier temps, et réfléchir. Ce n’est pas un exercice facile, et je ne pense pas le maitriser encore, mais je travaille énormément sur l’ensemble. Le dessin, qui sert de base, et le texte qui enfonce le clou. Je peux y passer 10 minutes ou bien 2 heures suivant le sujet que je décide de traiter. Avec le temps, j’ai appris à sélectionner mes idées, et je ne garde que ce qui me fait marrer. J’essaie de rester respectueux, sauf quand le respect n’est pas en face. Et puis, j’ai ma correctrice. Je montre mes dessins à ma femme. J’observe sa réaction et en fonction, je sais si ça passe ou pas. Et même si elle m’aime beaucoup, elle n’en reste pas moins critique. Ça me vexe aussi, mais bien que susceptible, j’écoute les critiques et je recommence. Ce qui m’étonne, en revanche, c’est que Facebook ne m’ait jamais censuré. Je ne dois pas les intéresser suffisamment…

Comment te sens-tu face à cette sortie… imminente ! As-tu d’autres projets ?

Je me sens mal. Je n’en parle pas. Mais je ne suis pas bien du tout. La peur évidente du résultat. Même si je suis fier de ce que nous avons fait et de ce que nous projetons, Riton et moi, de faire dans l’avenir. Les choses vont très vite. On s’intéresse à quelque chose un jour, puis on l’oublie. Or, il m’aura fallu du temps pour trouver une maison d’édition, de terminer l’album et de le voir imprimer. Peut-être que les gens l’ont oublié, ou qu’ils se sont désintéressés, tout simplement. Peut-être aussi qu’il trouvera un nouveau public.  Du coup, j’ai plein de projet à côté, pour ne pas y penser. Déjà, la sortie du « petit Riton ». Un Riton interdit aux adultes cette fois. Je travaille toujours dessus et j’espère pouvoir le terminer avant la rentrée, octobre au plus tard. En 2019, je participe à deux projets. L’illustration d’un roman qui me tient particulièrement à cœur, parce que c’est un projet que j’ai avec la sœur de l’auteur depuis plus d’un an. L’illustration d’un roman jeunesse qui m’a été proposé récemment par Nats Editions, roman qui m’a très vite parlé et pour lequel j’espère être à la hauteur. Et aussi une prochaine BD, un histoire de képi, de caserne, et de femmes… j’en dis pas plus.

Je continue de croquer la vie, les politiques, l’actualité. Je travaille toujours pour les associations, les collectifs, ou même tout simplement pour les particuliers quand j’en ai le temps.

Mais surtout je me prépare à mon premier salon littéraire, qui aura lieu le 17 novembre prochain, à l’école des officiers de la gendarmerie de Melun. Salon où j’exposerai quelques-uns de mes dessins et où je dédicacerai Mon papa est gendarme.

Avant de partir : une blague qui t’a fait rire, dernièrement ?  

Une blague ? Mince le piège de la blague. C’est difficile de t’écrire une blague. En général ça se raconte, tout est dans la manière de la jouer, dans la mimique… Là, tu vas la lire, mais pas la vivre. D’autant que les blagues que je préfère sont les jokes à papa, le genre de blague bien naze et pas drôle, mais qui font un malheur en soirée, quand elles sont bien amenées… et que t’es un poil beurré.

Non, le mieux, c’est que je laisse Riton t’en trouver une…

Allez bisous !

Merci Stan ! 🙂

2 réponses sur “Riton – Interview avec Stan Hotbridges”

  1. J’ai appris à connaître l’auteur Stan Hotbridges et Riton via les réseaux sociaux et j’avais hâte d’acheter la BD. C’est chose faite ?
    Riton est un ours grossier qui boit et qui fume, pas toujours très gentil…
    Bien qu’il soit entièrement mon contraire, je l’ai adoré ce Riton « pas comme il faut du tout »…. il est drôle, il me fait rire?….
    Vraiment la BD est drôle mais je peux concevoir qu’elle ne peut pas plaire à tout le monde…
    C’est une BD pour adultes. La couverture est souple, l’intérieur est en noir et blanc… une légère, très légère touche de couleur… elle est constituée de plusieurs petites scènettes avec le style propre à l’auteur. C’est la première BD que je possède et je l’ai lu deux fois déjà ?
    Stan Hotbridges est un véritable artiste, il passe de l’illustration pour livres d’enfants à la création d’un personnage de BD pour adulte, en passant par des caricatures excellentes ou des dessins magnifiques beaucoup plus travaillés dans le détail…. Je l’ai connu se décrivant comme un gribouilleur du dimanche… il l’a sûrement été mais aujourd’hui c’est un artiste qui excelle dans son domaine et pas seulement grâce à son coup de crayon mais aussi à ce qu’il arrive à exprimer à travers son art.
    L’auteur, Stan Hotbridges, un réel coup de cœur ♥️
    Je recommande la BD à tous les amateurs d’humour noir.

Laisser un commentaire